OPPORTUNITÉS DANS LE SECTEUR AGRICOLE ET OBJECTIFS PRIORITAIRES.
Le secteur agricole a joué un grand rôle dans l’histoire économique d’Haïti. De l’indépendance à la seconde moitié du 20 e siècle, le secteur a été dominé par le sucre, le café, le sisal et le coton. Cependant, le pays n'a pas été en mesure de maintenir ou de prendre avantage de sa position jadis dominante pour ces produits. Haïti fait face aujourd’hui à l’insécurité alimentaire expliquée par la baisse de production de produits traditionnels dont le sorgho, en partie compensée par la hausse de celle d’autres denrées (haricots secs et ignames, etc.). Pour comble, la production a, au cours des deux dernières décennies, chuté pour des produits de consommation de masse, tels que riz, maïs et poulets, mettant ainsi le pays dans l’obligation d’en importer pour répondre aux besoins croissants de la population en constante expansion. De la sorte, l’agriculture haïtienne se retrouve aujourd’hui dominée par cinq filières principales :
- les huiles essentielles dont la valeur d’exportation est estimée à près de 18 millions de dollars en 2011 sous l’impulsion du vétiver pour lequel Haïti fait figure désormais de premier producteur mondiale ;
- la mangue Madame Francisque, une variété propre à Haïti, pour laquelle elle fait partie du peloton de tête des pays exportateurs de ce produit avec plus de 13 mille tonnes exportées annuellement et un apport à l’économie estimé à près de 8 millions de dollars américains en 2007 ;
- le café dont l’offre particulièrement fluctuante au cours des 50 dernières années (25-48 mille tonnes) n’a permis au pays que de satisfaire une infime part de son quota annuel d’exportation, soit quelque 11% des 18 mille tonnes prévues, encore que le produit est aujourd’hui en grande partie exportée informellement vers la République dominicaine ;
- les fèves cacao qui continuent à jouer un rôle important dans l'économie agricole d'Haïti, grâce à une offre en extension au cours des cinq dernières décennies, passant d'environ 2.500 tonnes en 1961 à 9.400 tonnes en 2010 et une valeur d’exportation estimée à 13,9 millions de dollars en cette année-là.
- les fruits de mer / Poisson (homard et mollusques) dont la valeur totale des exportations formelles ont avoisiné les 6.9 millions de dollars en 2011.
Potentiel global et contraintes
L’histoire de l'agriculture et des exportations d'Haïti dans ce secteur témoigne de son
potentiel de production et d’exportation qui est non négligeable. En effet, le pays
dispose d’un large éventail de microclimats différenciés en fonction des types de sol,
des précipitations et de l'altitude. Il s’agit là d’un avantage relatif mais combien
important pour le pays qui a la possibilité d’offrir une gamme variée de produits
saisonniers et de faire des choix judicieux pouvant lui permettre d’assurer une présence
plus soutenue que ses concurrents potentiels sur des segments de marchés cibles. En
dépit de l’effet conjugué d’une croissance démographique rapide et d’une urbanisation
galopante sur l'environnement, il reste à Haïti assez de potentiel pour une croissance et
une compétitivité de la filière agricole (production végétale et animale) capable de lui
permettre non seulement de nourrir sa population en expansion mais aussi de tirer
profit des possibilités d'exportation à haute valeur ajoutée.
Parmi les contraintes à la croissance et à la compétitivité de la filière agricole, il y a lieu de relever, entre autres points :
- le dysfonctionnement institutionnel ;
- l’insécurité foncière liée aux titres de propriété ;
- l’insuffisance ou l’absence, tout court, de crédit rural/agricole ;
- la connaissance imparfaite des normes et/ou règlements phytosanitaires, rendant difficile l'accès des produits haïtiens à certains marchés ;
- la coordination imparfaite des efforts des bailleurs de fonds opérant dans le secteur ;
- La faillite des anciennes cultures de rente et l’incapacité des opérateurs à prendre avantage d’autres opportunités offertes ;
- le manque, voire l’absence dans certaines régions du pays, de voies d’accès contribuant à l’enclavement des aires de production et au gaspillage sur place de produits qui se perdent pour l’instant dans la nature, etc.
Ces contraintes transversales et spécifiques qui se posent à la croissance et à la compétitivité de la filière agricole interpellent le MARNDR qui a prévu d’y apporter au fur et à mesure des réponses viables et définitives, à commencer par le renforcement de ses propres capacités à concevoir, à élaborer et à appliquer des politiques publiques de nature à faciliter les activités des acteurs tant publics que privés sur le terrain et la circulation des produits destinés à la consommation en dehors des zones de production ou à l’exportation. Les interventions proposées par le MARNDR sont consignées dans trois fiches de projets I, II, III ainsi formulées :
Projet 1 : Renforcer les capacités institutionnelles et d’intervention des parties prenantes (publiques et privées) de la filière café pour des réponses viables aux contraintes liées à l’offre, incluant la réhabilitation des plantations en totale dégénérescence dans les quatre (4) principales zones de production (Thiotte, Baptiste, Dondon, Beaumond).
Projet 2 : Renforcer les capacités du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) dans la conception, l’élaboration et l’application de politiques publiques en appui à la croissance et à la compétitivité de la filière mangue dans quatre départements géographiques (Artibonite, Centre, Ouest et Sud) du pays.
Projet 3 : Renforcer les capacités du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) pour libérer les enclaves de production des contraintes routières qui les empêchent de contribuer à la croissance et à la compétitivité de la filière agricole.
L’idée de projet 1 (codé : III-14) s’est donné pour objectifs d’apporter, sur la base de l’EDIC et des travaux du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), des réponses viables aux principales causes de la faiblesse de l’offre, entre autres :
- la dégradation accrue de l’environnement dans les principales zones de production (Thiotte, Baptiste, Dondon, Beaumond) ;
- les maladies et ravageurs du caféier en partie responsables de la faiblesse du rendement à l’hectare et de la dégénérescence des plantations caféières qu’il convient, par conséquent, de réhabiliter ;
- le manque de formation ou d’encadrement des producteurs sur les techniques de culture, de récolte et de première transformation à la base de la détérioration significative de la qualité du café ;
- la migration des acteurs majeurs vers d’autres cultures ;
- les faiblesses de capacités des coopératives exportatrices de café au triple plan managérial, opérationnel et financier préjudiciables aux créneaux de spécialité (Gourmet et Equitable).
Il est attendu de la mise en œuvre de ce projet qu’il aide à formuler des politiques publiques et à conduire des actions qui permettent de :
- renforcer les capacités des institutions publiques et privées opérant à l’intérieur de la filière, notamment : les coopératives de production et d’exportation, incluant les jeunes et les associations de femmes ;
- régénérer, avec la collaboration des opérateurs de la filière dûment identifiés, les plantations caféières dans les quatre communes en question ;
- accroître le rendement de 400 à 600 kg/ha ;
- promouvoir une diversification de revenus au profit de la communauté rurale.
L’idée de projet 2 (codée III-15) s’est voulue pour objectifs de se colleter à l’ensemble des contraintes identifiées et d’essayer, autant que faire se peut, de leur apporter des solutions durables à travers des politiques publiques pouvant permettre au MARNDR de :
- renforcer la base de production et d’exportation et la capacité du pays à faire du commerce par :
- mettre à niveau les coopératives par la formation et l’encadrement technique de leurs membres (en matière de greffage, de sur-greffage, d’entretien d’arbres fruitiers, d’acquisition de biens et de services et de commercialisation (maîtrise des normes d’hygiène et phytosanitaires) ;
- diversifier au mieux l’agriculture pour une offre plus consistante et capable de faire tomber les tarifs de transport à l’arrivée et au départ d’Haïti ;
- encourager la culture de la mangue en compagnonnage avec d’autres espèces agricoles compatibles et l’introduction d’activités non susceptibles de contribuer à la prolifération de la mouche des fruits dans le but de limiter la pression sur les populations de manguiers comme combustibles potentiels de cuisson) ;
- inciter à l’augmentation de la couverture végétale des bassins versants attenants aux zones de production pour la durabilité du commerce des mangues ;
- développer des infrastructures dont des voies secondaires et des pistes de désenclavement pour faciliter la collecte et le transport des mangues des aires de production aux centres de collecte, de pré-conditionnement ou de traitement ;
- améliorer les conditions de stockage des mangues dans les centres de collecte et de pré-conditionnement, en termes de température et d’humidité ambiantes ;
- améliorer les conditions de stockage des mangues dans les centres de collecte et de pré-conditionnement, en termes de température et d’humidité ambiantes ;
- de renforcer le contrôle des moyens de transport, de manière à réduire, au possible, les pertes à l’exportation.
L’effet escompté de la mise en œuvre de ce projet est que le MARNDR soit effectivement renforcé et doté de moyens humains et matériels qui le rendent apte à concevoir, à élaborer et à appliquer des politiques publiques qui répondent efficacement aux problèmes de croissance et de compétitivité de la filière mangue et libèrent, au passage, des opportunités qu’il incombe aux acteurs publics et privés de réaliser avec l’appui des partenaires techniques et financiers (PTF) pour le renforcement de la capacité du pays à poursuivre avantageusement le commerce de la mangue.
L’idée de projet 3 (codée III-16) est conçue pour renforcer les capacités d’intervention du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) en dotant la Direction des infrastructures agricoles (DIA) de moyens humains et matériels pour lui permettre de contribuer valablement à l’identification, à la mise à niveau (construction ou réhabilitation) et à l’entretien des voies d’accès aux enclaves agricoles et de libérer ainsi pour la consommation et l’exportation des produits qui se perdent pour l’instant dans la nature, faute d'infrastructures routières adéquates.
Le MARNDR est effectivement renforcé avec une Direction des infrastructures agricoles (DIA) suffisamment pourvue en ressources humaines et matérielles et bénéficiant de l’assistance technique nécessaire pour contribuer efficacement aux résultats suivants :
L’effet escompté est que la Direction des infrastructures agricoles (DIA) du MARNDR soit effectivement renforcée en ressources humaines et matérielles et qu’elle puisse bénéficier de l’assistance technique nécessaire pour mener à bien, entre autres activités, les suivantes
- dresser une liste prioritaire d’enclaves agricoles à potentiel de croissance et de compétitivité ;
- identifier leurs besoins, en termes de voies ou de pistes d’accès à construire ou à réhabiliter, de bassins versants à reboiser ou à protéger
- pourvoir progressivement à leur construction ou réhabilitation et à leur entretien ;
- créer les conditions propices à la diversification des sources de revenus des communautés des enclaves bénéficiaires (création de conditions propices à l’élevage, à la pisciculture à la transformation sur place de produits périssables, notamment ceux qui ne peuvent être évacués à temps), etc.
LES TROIS (3) POJETS DU MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DES RESSOURCES NATURELLES ET DU DEVELOPPEMENT RURAL (MARNDR) A LA TABLE-RONDE DES DONATEURS DU 14 SEPTEMBRE 2017
L’idée de projet 1 (codé : III-14) a comme entité porteuse l’Institut national du café d’Haïti (INCAH) du MARNDR. Il a élaboré pour la relance de la filière caféière dans quatre grandes régions d’Haïti (Grand Sud, Grand Nord, Artibonite, Centre) un plan d’actions de six ans (2017-2023). Le projet «Renforcement des capacités institutionnelles et d’intervention des parties prenantes de la filière café », approuvé par le MPCE, est inscrit au PTI pour un montant de 225 millions de Gourdes, soit près de 35 millions de dollars américains au taux de 64,40 gourdes pour un dollar. Il a été prévu de débloquer pour l’exercice fiscal 2017-2018 environ 25 millions de gourdes pour ce projet qui a démarré à la première semaine de février 2018. De par la limitation des fonds disponibles, l’INCAH est en quête de financement additionnel auprès d’autres PTF sur place pour combler le déficit de quelque 11 millions de dollars nécessaires au financement de ce projet
L’INCAH n’a aucune chance d’obtenir ce montant de la BID qui lors de la table-ronde n’a exprimé aucun intérêt pour ce projet. Par contre, il est en mesure de se faire subventionner à travers l’UE à hauteur de :
- 4 millions d'euros des fonds d’OXFAM disponibles pour trois zones frontalières ; et de
- 500 mille Euros des ressources de LAVAZA pour le café.
Par ailleurs, l’INCAH compte capitaliser sur les résultats du projet café financé par l’AFD autour de 6 millions Euros, dans la cadre du fonds vert, pour l’atteinte les objectifs fixés.
L’idée de projet 2 (codé : III-15) relative à la mangue Francisque n’est pas inscrit au PTI. Il n’y a donc pas de financement disponible pour sa mise en œuvre. Rien n’est à espérer de la BID qui lors de la table-ronde n’a pas manifesté d’intérêt pour cette filière. Pour sa part, l’UE a conditionné son financement à la ratification de l’APE. Par contre, il y a lieu de relever, toutefois, qu’une allocation de cinq (5) millions de gourdes est accordée par le Trésor public au MARNDR (Direction de production végétale) pour l’exercice fiscal 2017-2018 spécifiquement pour la lutte phytosanitaire dans la filière mangue.
L’idée de projet 3 (codé : III-16) se référant au projet piste agricole s’est vue allouer dans le PIP 2017-2018 une enveloppe de 50 millions de gourdes d’une part et de 85 millions de gourdes d’autre part, soit au total 135 millions de gourdes ou environ 2 millions de dollars américains pour deux (2) projets relatifs à des travaux de réhabilitation de pistes agricoles à travers le pays. L’autorisation est déjà accordée pour quelque 183 mille dollars américains qui seront utilisés pour réaliser des travaux dans trois grandes zones de production du pays, particulièrement Sud (Port-à-Piment et Coteaux), Grande-Anse et Artibonite (Gros Morne). Le montant alloué est dérisoire comparé au coût du projet III.16 inscrit dans le PIMT qui s’élève à près de 55 millions de dollars américains, soit environ 3.63 %. Les actions inscrites dans le PIP 2017-2018 ont en commun avec le projet III-16 qu’elles concernent également certaines parties du Grand Sud du pays (dont Port-à-Piment, Coteaux et Grande Anse).
La BID et l’UE n’ont pas exprimé d’intérêt pour ce projet qui est entretemps remise en question par la caravane du changement, instaurée par l’actuel Gouvernement comme méthode d’exécution de grands travaux d’infrastructures (routes nationales, voies secondaires, pistes agricoles, etc.). Cette caravane est censée se déployer dans toutes les zones ciblées par le projet, notamment dans le Grand Sud et le Nord-Ouest enlevant, du coup, de son intérêt.